Les photos Doppelgänger de François Brunelle ont changé sa vie

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« Ce projet m’a fait prendre conscience de qui j’étais, me raconte François Brunelle. Depuis 2000, l’artiste recherche – et photographie – des « sosies » sans lien de parenté qui pourraient passer pour de vrais jumeaux. La plupart d’entre eux ne se sont jamais rencontrés avant d’entrer dans son studio, et certains vivent à des milliers de kilomètres les uns des autres.

Il se trouve que l’artiste a finalement trouvé son propre sosie en travaillant sur le projet. « Peut-être avons-nous tous envie d’être proches de quelqu’un qui nous ressemble », réfléchit-il. « Je pense que nous espérons peut-être que cette personne est, en fait, un peu comme nous. » Le projet a fait le tour du monde et a donné lieu à des recherches scientifiques : l’année dernière, une étude a révélé que les « sosies » qui se ressemblent le plus partagent en réalité plus de gènes que ceux qui se ressemblent moins.

« Ce projet m’a aidé à trouver au moins cinq cents nouveaux amis (les sosies de ma collection), ainsi que beaucoup de personnes intéressantes (journalistes et scientifiques) », dit aujourd’hui Brunelle. Je ne suis pas un sosie ! a maintenant attiré l’attention de plusieurs générations; à l’ère d’Internet, où tout semble éphémère, c’est un projet qui perdure.

Les portraits de Brunelle posent des questions sur ce que signifie être humain et sur nos relations les uns avec les autres. Parfois, le projet est même allé jusqu’à répondre à ces questions, même s’il en suscite presque toujours de nouvelles en cours de route.

Lorsque vous vous êtes lancé dans ce projet, il y a près de 25 ans, aviez-vous une idée de là où cela vous mènerait ?

François Brunelle: Mon objectif a toujours été de faire un livre, sur lequel je travaille sérieusement en ce moment, et une grande exposition. Mais je ne m’attendais pas à être publié partout dans le monde comme cela a été le cas.

Comment avez-vous trouvé des personnes pour faire partie du projet au début ?

François Brunelle: Au fil des années, j’avais remarqué quelques paires de sosies dans ma vie de tous les jours. Quand j’ai démarré le projet, je les ai contactés. Certains de ceux que j’ai pu joindre ont posé pour les photos, puis, après environ huit ou neuf couples, je n’avais plus de sujets. J’ai eu l’idée de demander de l’aide aux médias alors qu’Internet était en plein essor. Cela m’a permis, grâce aux journalistes du monde entier, de toucher de nombreux sosies possibles pour le projet.

Au fur et à mesure que le projet grandissait, votre approche a-t-elle changé ?

François Brunelle: Je ne pense pas. Seule la technique a un peu évolué, au fur et à mesure que je passais du cinéma traditionnel au support numérique. Je crée les photos les plus récentes exactement comme j’ai fait les premières, sans être à chaque fois sûr du résultat.

Pouvez-vous nous expliquer une séance de portrait type ? Combien de temps passez-vous avec chaque paire de sosies ?

François Brunelle: Les photos sont réalisées soit dans mon studio, soit dans un autre endroit. Cet emplacement peut être un autre studio ou simplement une chambre d’hôtel. Il n’y a rien de compliqué. Je travaille seul avec les modèles (sauf lorsqu’il y a des médias impliqués ou lorsque je participe à des projets spéciaux et qu’un tournage par une autre partie est impliqué).

C’est une chose très privée, sans coiffure ni maquillage (sauf lorsque filmé). J’aime ça très décontracté, une petite séance photo entre amis. Nous sommes dans le même bateau, tous les trois essayant de réaliser quelque chose, tranquillement, sans chichi. Tout d’abord, nous nous asseyons après nous être présentés, puis nous discutons de ce qui va se passer.

J’ai lu à haute voix le communiqué du modèle ; c’est très simple et protège les deux parties à l’accord, pour s’assurer qu’il n’y a absolument aucun malentendu. Nous regardons les vêtements que les modèles ont apportés avec eux, le cas échéant, et commençons à prendre les photos. L’ensemble du processus dure entre une heure et demie et deux heures maximum, y compris le changement de vêtements si cela est possible.

Meisje Barbara Hummel et Jürgens Neises

Quel est votre souvenir le plus marquant de votre travail sur ce projet ?

François Brunelle: Chacune des séances photo est géniale et puissante. Et effrayant à la fois. Je ne peux jamais prédire le résultat d’une séance photo. La seule chose que je peux faire, c’est donner le meilleur de moi-même.

Cette idée de « ressemblance » est très insaisissable. Certaines personnes viennent me voir parce qu’elles sont convaincues qu’elles se ressemblent, et je dois simplement les croire. En chemin, je devrai ensuite découvrir quelle est cette ressemblance et comment la capturer. C’est en grande partie une question de foi.

Nuno Dodinho et Miguel Silvestre

L’année dernière, votre travail a abouti à un découverte scientifique à propos de l’ADN sosie (les personnes qui se ressemblaient davantage partageaient plus de gènes). Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

François Brunelle: Il existe en effet plusieurs projets de recherche liés à la série. Je suis contacté de temps en temps par des chercheurs pour toutes sortes de projets liés aux similitudes entre individus.

Le tout premier était Ulrich Ettinger, qui travaillait à l’époque à l’Université McGill (Montréal) et maintenant à l’Université de Bonn (Allemagne). Son étude portait sur les similitudes psychologiques entre les sosies. Il a été rejoint par Nancy Segal de l’Université Fullerton (Californie). Vous pouvez lire à ce sujet dans Le New York Times.

Ensuite, il y avait Manel Esteller Badosa, de l’Université de Barcelone, qui, avec mon aide et mes photos, a fait la recherche ADN dont vous parlez ici. Il m’a écrit un jour et il a été très insistant. J’avais des doutes au début. Demander aux sujets de mes photographies de donner un échantillon de leur ADN semblait un peu tiré par les cheveux.

Après quelques rencontres à Barcelone et à Madrid avec Esteller, je savais que je pouvais lui faire confiance, ainsi qu’à ses collègues chercheurs, j’ai donc décidé de l’aider dans ses recherches. Et je suis très heureux maintenant que cette étude, qui a pris des années à être réalisée, soit publiée. Les résultats sont fantastiques et vous pouvez les lire dans un autre New York Times article.

Je suis très fier que mon petit projet personnel, réalisé en toute simplicité, ait pu faire partie de quelque chose de plus grand. C’est très satisfaisant. Cela m’a également permis de faire connaître mon travail, ce qui est en soi la plus grande récompense pour un artiste.

Joshua Corrigan et Francisco Costela

Certains sosies sont restés en contact, n’est-ce pas ?

François Brunelle: Je ne sais pas combien de personnes sont restées en contact après les séances photos. Mais je sais avec certitude que l’un des couples l’a fait. L’un d’eux était une personnalité de la télévision, et l’autre était souvent confondu avec l’autre et demandait des autographes. Lorsqu’ils se sont rencontrés pour la première fois devant ma caméra, ils ont réalisé que leurs conjoints portaient le même prénom et qu’ils avaient tous les deux un fils du même âge. Alors ils ont commencé à sortir ensemble.

Ayanna Bryant et Lindsey Sampson

Quels conseils donneriez-vous aux photographes émergents qui espèrent connaître le genre de succès mondial que vous avez connu ? Comment avez-vous fait?

François Brunelle: Je ne suis pas doué pour donner des conseils. mais une chose que je peux dire, c’est de faire quelque chose que tu vraiment voulez faire, quelque chose en lequel vous croyez vraiment, sans trop calculer. Il faut être intelligent et pousser ses images pour être vues et espérer le meilleur. C’est en grande partie une question de chance.

J’ai regardé honnêtement mes photos au début du projet et je les ai trouvées assez ordinaires. Mais je me suis dit : ces images sont un peu ennuyeuses et peu sexy, mais s’il y a une personne, une seule, au monde qui aimera mes images autant que moi, alors je serai heureuse. Je faisais ces photos pour plaire à quelque chose d’authentique en moi, sans trop me soucier de ce que les gens penseraient.

Christy Walker et Stéphanie Kazar

Sur quoi travaillez-vous maintenant?

François Brunelle: Je travaille intensivement sur un livre. J’ai été refusé par quelques grands éditeurs et je peux l’auto-publier si je le peux. Le fait qu’il s’agisse du tout premier livre sur le sujet rend les choses un peu compliquées car on ne peut pas le comparer à quoi que ce soit d’autre qui existe déjà. Mais ensuite, je dois profiter de cela comme d’un avantage. Une fois publié, j’essaierai de trouver un bon musée, disposé à se lancer dans une exposition internationale des images. Souhaite moi bonne chance!

Vous pouvez suivre l’évolution du projet sur Instagram à l’adresse @francoisbrunelle.doubles.

Lectures complémentaires :

• Portraits remarquables de parfaits inconnus qui pourraient être de vrais jumeaux

• Portraits enchanteurs d’agriculteurs jumeaux identiques dans la campagne hongroise

• Portraits pleins d’entrain du plus grand rassemblement de jumeaux au monde

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Rose Guichard